15.07.2011 -

André Charlet : « Une émotion indescriptible! »

La Schubertiade aura lieu les 3 et 4 septembre. Rencontre avec son fondateur et âme de la manifestation, André Charlet

André Charlet a plus de 80 ans, mais il n’a rien perdu de sa vitalité, surtout quand il s’agit d’évoquer la Schubertiade qu’il a fondée en 1978, de diriger la Messe Allemande, moment fort des festivités, ou encore d’évoquer la ville de Vienne où tout a commencé, en 1954.

André Charlet, vous êtes le fondateur de la Schubertiade, et aussi un ancien collègue de la RSR? Oui, j’avais été invité à conduire pour la RSR une série de concerts à l’occasion des 200 ans de la naissance de Mozart, en 1956. L’année suivante, M. Zbinden, directeur de la Musique, m’a proposé d’animer une émission. Ce sera « Art choral » à l’antenne durant plus de 30 ans. Il fallait présenter les œuvres, les musiciens, les situer dans le contexte socio-culturel et politique de l’époque, chose qui m’a toujours passionnée. J’ai accueilli des invités magnifiques, pour n’en citer qu’un Monseigneur Genoud qui était un musicien hors pair !

Comment vous est venue l’idée de la Schubertiade? Pour cela, il faut revenir à 1954. J’étais à Vienne au Conservatoire. Cette année m’a beaucoup apporté pour ma carrière, j’ai rencontré Karajan, Furtwängler, Krips, je courais d’une messe à un quatuor avant de finir à l’opéra le soir. J’y ai vu 14 fois Don Juan, payant à chaque fois 50 centimes la place debout. Bref, la musique était partout. Et un jour de mai, me promenant, je vis un panneau indiquant « Schubertiade ». Une allée avec des pavés, des berlines et des chevaux noirs et blancs. Et plus loin, un enclos herbeux entouré de maisons, des gens aux balcons et au centre, des musiciens du Wiener Oktett, un chœur et le ténor Julius Patzak chantant des Lieder de Schubert, puis, assis sur le piano, jaquette enlevée, des mélodies viennoises. Il a fallu quelques années – 1978 et les 150 ans de la mort du compositeur – pour que ce souvenir fructifie et que soit organisée la première Schubertiade en Suisse romande, plus exactement dans la petite localité de Champvent. Il pleuvait, je vois encore les voitures se parquer partout dans les champs, les parapluies affluer en direction du château et un agriculteur local venir s’excuser que les cloches de ses vaches aient perturbé un concert. Mais je lui ai dit : « C’est ça la musique, au cœur de cette nature que Schubert a si bien chantée ». La partie était gagnée !

Comment expliquez-vous le succès d'alors, qui se perpétue d’édition en édition? Les gens croyaient que pour écouter de la musique classique, il fallait la connaître. C’est faux, elle vient à notre rencontre ! Ils croyaient aussi qu’il fallait s’habiller comme des lords et prendre des pauses solennelles. Oui à une soirée de gala des Wiener Philarmoniker, mais pas dans nos villages lors de la Schubertiade ! Pour la première édition, je prévenais les musiciens : « Des enfants s’amuseront peut-être à délacer vos chaussures ; ce n’est pas grave, c’est là que la musique commence ! ». Le succès provient de là : amener la musique chez les gens. Et il ne se dément pas. La preuve : cette année, la télévision va filmer la Messe Allemande. Le programme est considérable avec plus de 180 concerts à Porrentruy.

Quels sont vos conseils pour bien vivre la manifestation? Plutôt ce qu’il faut éviter de faire : les gens connaissent souvent bien la musique et cherchent les concerts dits de "qualité". Alors, ils s’installent tôt dans un endroit et ne ”décuchaisent” pas de la journée, comme on dit au Brassus ! C’est une erreur, l’enrichissement vient autant de la variété que de la qualité. Déplacez-vous donc et étonnez-vous !

Propos recueillis par Nicolas Bastard, RTS